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Parc et éducation civique : Une conversation avec Dave Meslin, conférencier principal de la Conférence de 2023

mars 21, 2023
Park People

En préparation de la Conférence des Amis des parcs qui approche à grands pas en juin, nous nous sommes entretenus avec le conférencier principal, Dave Meslin. Dave travaille comme organisateur de groupes sociaux et activiste, et a écrit le livre Teardown: Rebuilding Democracy from the Ground Up*. Il est le directeur artistique de l’organisation Unlock Democracy Canada* et à l’origine de nombreuses initiatives à fort impact, dont le Toronto Public Space Committee* et Cycle Toronto*.

Dave présentera son exposé dans le cadre d’une conversation avec Zahra Ebrahim.

Vous pouvez profiter du tarif préférentiel pour la Conférence des Amis des parcs jusqu’au 3 avril 2023. Profitez-en dès maintenant!

Jodi Lastman : Okay Dave, pouvez-nous nous dire quel est le rapport entre les parcs et la démocratie?

Dave Meslin : Pour moi, les parcs et les lieux publics ont un caractère sacré parce que nous y avons toutes et tous accès de façon identique. Ce que j’apprécie le plus c’est que l’accès aux parcs, aux trottoirs et aux ruelles ne dépend pas de la carte de crédit que l’on a dans son portefeuille. Selon moi, ceci a quelque chose de beau et de sacré que nous devons défendre et protéger. 

Women laughing outside

Le Knowsy Fed à Edmonton célèbre les connaissances de la communauté et invite les habitants à interpréter des histoires. Ces histoires peuvent ensuite être transformées en idées concrètes de changement dans le quartier. Crédit photo : Daniel Chamberlain

 

JL : Je suis curieuse de savoir ce que vous entendez par « sacré » quand vous parlez des parcs et les lieux publics. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous qualifiez les parcs de sacrés?

DM : Il y a beaucoup d’aspects dans mon travail et mes convictions qui me semblent sacrés parce que cela n’est pas qu’une question de travail, de politique, de votes, de lobbying, ni de législation. C’est dans cela que je trouve un ancrage spirituel.

Nous vivons dans une époque où les gens se détournent de plus en plus des religions établies. Ceci soulève toutefois une question : comment remplace-t-on les rituels de rassemblement dans les synagogues, les églises, les mosquées ou les temples? Lorsque les religions établies sont moins présentes dans nos vies, vers quoi se tourne-t-on pour combler ce besoin de spiritualité et d’ancrage et donner un sens à nos vies?

Pour moi, les lieux publics répondent à ces besoins.

Une chose sacrée est quelque chose que l’on est prêt à défendre, quitte à s’impliquer personnellement. Quitte à faire des sacrifices. C’est ce que je ressens pour nos lieux publics. J’ai le sentiment que, sans ce genre de protection, ils seraient autrement soumis à diverses forces. 

 

JL : Quels sont ces forces et les risques qui vous préoccupent le plus concernant nos lieux publics?

DM : Je pense que le plus grand risque pour les lieux publics et les parcs est en fait la publicité. La seule raison qui explique l’absence des annonceurs dans ces endroits est liée au fait que nous considérons les parcs comme sacrés. Nous savons bien que les annonceurs sont prêts à apposer leur logo sur n’importe quoi; à moins de déclarer un endroit sacré. Et l’on voit bien que la liste de ce que nous considérons comme sacré s’amenuise rapidement.

Je verrais bien un conseil municipal dire : « Voici une nouvelle source de revenus que nous pourrions mettre à profit. On pourrait installer des panneaux d’affichage numériques dans tous les parcs. Les parcs sont fréquentés par le public, et les annonceurs souhaitent cibler le public. Ils aimeraient certainement cibler les gens qui aiment la nature. On pourrait vendre ces espaces à des annonceurs qui veulent cibler ce genre de public dans nos parcs. » La seule façon de lutter contre cela est de dire : Non, ce sont des endroits sacrés. Cela reviendrait à mettre des panneaux d’affichage dans une église ou une mosquée, ce que personne ne souhaite faire.

 

JL : Dans votre livre, vous dites que les gens n’ont plus confiance en la démocratie lorsqu’ils participent à une consultation publique et qu’ils trouvent porte close. Selon vous, quels sont les éléments qui font croire aux gens qu’ils ne peuvent avoir aucun impact sur les décisions liées aux lieux publics?

DM : Je pense que le plus grand obstacle auquel se heurtent de nombreuses personnes est qu’elles croient que leurs idées ne comptent pas et ne sont pas suffisamment importantes pour les défendre; que cela ne vaut pas la peine de faire entendre leur opinion. C’est l’idée de la porte close. 

Un autre obstacle de taille est que les gens ne savent tout simplement pas par où commencer. La plupart des gens ne comprennent pas vraiment les compétences des divers gouvernements : au niveau municipal, provincial et fédéral. Et ce n’est pas de leur faute. On l’enseigne mal. Et c’est compliqué. Par exemple, de qui relèvent les services de santé? Il y a un ministère provincial de la Santé. Il y a un ministère fédéral de la Santé. Et puis, il y a les municipalités qui gèrent les soins de longue durée, les garderies d’enfants et le service de prévention sanitaire.

Par ailleurs, la mairie peut être un endroit intimidant. J’en parle dans mon livre : la mairie ne mandate jamais une personne à l’entrée pour vous accueillir en disant : « Bonjour, comment puis-je vous aider? » Il y en a une chez Walmart. Il y en a une dans les magasins d’Apple. 

C’est pourquoi il est essentiel que les gens se réunissent pour former des groupes. Et c’est pourquoi le travail que réalisent les Amis des parcs a toute son importance. Au sein d’un groupe, les gens sont plus enclins à faire bouger les choses, car ils n’ont plus l’impression d’être seuls. Cela leur permet de renforcer leur confiance en eux. L’union fait la force, car nous avons souvent peur d’agir seuls.

Si quelque chose nous intimide dès le départ, il y a peu de chances que nous le fassions par nous-mêmes ensuite. Mais si les membres du groupe disent : « Nous pouvons travailler là-dessus. Nous pouvons organiser cela ensemble », alors cela nous semble beaucoup plus attrayant. En fait, cela est assez révolutionnaire.

 

JL : Qu’est-ce qui vous rend optimiste quand on parle de budget participatif?

J’aime beaucoup le volet pédagogique de ce programme. La municipalité octroie une petite partie du budget d’immobilisations, et la répartit entre plusieurs quartiers en laissant les résidentes et résidents décider de la manière de l’allouer. 

 C’est un excellent moyen pour eux d’acquérir une expérience démocratique, mais aussi d’en apprendre davantage sur le budget municipal et sur ce que fait réellement la municipalité. 

L’un des principaux rôles du conseil municipal est de décider du montant des revenus et de la manière de les allouer. La meilleure façon d’enseigner cela est d’octroyer une petite somme aux citoyennes et citoyens et de leur demander comment ils souhaitent la répartir? » C’est une incroyable leçon d’éducation civique.

 

JL : Ce thème de la participation citoyenne me fait penser aux consultations publiques. Selon vous, comment pourrait-on les améliorer?

DM : Je pense à l’échelle d’Arnstein. C’est une façon d’envisager les différents niveaux de participation citoyenne. Pour résumer, l’échelon le plus bas de l’échelle représente la coopération symbolique. Le gouvernement décide de ce qu’il veut faire et utilise un faux sondage ou une fausse réunion publique en guise de consultation. Je ne pense pas qu’il y ait de mauvaises intentions de sa part, mais plutôt une sorte d’arrogance. Le personnel municipal et les politiques pensent avoir raison et considèrent la consultation publique comme un bon geste. Ce n’est toutefois pas la bonne approche. Non seulement ce n’est pas démocratique, mais cela met toujours les gens très en colère.

À l’autre bout de l’échelle, il y a la démocratie directe. Toutes les décisions sont soumises au vote des citoyennes et citoyens. Je n’y suis pas favorable non plus. Selon moi, non seulement personne n’a envie de lire des rapports de 200 pages, mais surtout, avec un système dans lequel tout le monde peut voter, qui aura véritablement le temps de lire tous ces documents? Seules les personnes les plus aisées pourront certainement le faire, car elles ont les moyens de payer quelqu’un pour garder leurs enfants et faire le ménage. Probablement pas celles qui ont trois emplois pour payer leur loyer et nourrir leurs enfants. Ainsi, ce que certains considèrent comme le niveau de participation le plus élevé est en réalité incroyablement inaccessible pour la plupart des gens.

 

JL : Alors, comment trouver le juste équilibre? 

DM : Je pense que cela dépend du contexte. Imaginons un projet de réaménagement d’un parc dans lequel on demande aux gens ce qu’ils veulent faire de ce parc. La décision devrait appartenir aux personnes qui fréquentent le parc et qui vivent dans le parc et à proximité de celui-ci. Il s’agit d’une occasion idéale pour mettre en œuvre la démocratie directe. Selon moi, il en va de même pour renommer les parcs. Les politiques ne devraient pas avoir la capacité de nommer des parcs selon d’autres personnes politiques. Ce sont les gens qui utilisent le parc qui devraient en décider. 

Affiches présentant la “Movement Strategy” à High Park, Toronto, où l’on a demandé aux utilisateurs du parc quels modes de transport devraient être autorisés dans le parc et à quel endroit.

 

Les parcs sont un exemple parfait de démocratie directe. Il s’agit d’un microcosme dans lequel les décisions ne sont pas très complexes, comparé à celles qu’une Ville doit prendre pour un budget de fonctionnement de plusieurs milliards de dollars.

Les municipalités ont donc l’obligation morale d’allouer des fonds réels pour promouvoir activement la participation citoyenne, sans s’en tenir au strict minimum. Dans ce cas, pourquoi ne pas dédommager financièrement les gens pour leur participation? Ils apportent une perspective différente en fonction de leur âge, de leur genre, de leur confiance en soi et de la manière dont ils utilisent ces endroits. Pour moi, la municipalité devrait s’efforcer d’investir davantage pour amplifier ces points de vue. 

Je pense à des personnes comme ma mère et ma sœur. Ce sont des personnes qui ont du cœur et sont très intelligentes, mais que l’on ne surprendrait jamais à une « consultation publique ». Elles ne sauraient même pas qu’une consultation est organisée, et prendraient encore moins le temps de s’y rendre. 

Mais elles savent tellement de choses sur leurs parcs. Ma mère a peur d’emprunter le sentier de son parc parce qu’il y a un endroit avec une pente où les gens pourraient se cacher sans qu’on les voie. Je n’y avais jamais pensé. Cela n’a jamais été un sujet de préoccupation pour moi. Elle ne savait pas à qui s’adresser, alors elle m’a demandé ce qu’elle pouvait faire.

Si la municipalité souhaite avoir l’avis des gens au sujet d’un parc, pourquoi ne pas se rendre directement sur place? C’est ce que font les sociétés de cartes de crédit lorsqu’elles prospectent de nouveaux clients. Elles affectent du personnel devant les magasins ou à l’aéroport pour solliciter les gens. Elles ne vous invitent pas à participer à une réunion sur les cartes de crédit dans un centre communautaire. Elles vont là où se trouve leur public cible. Nous devrions faire la même chose pour la consultation publique. Si les décisions concernent un parc, ce n’est pas difficile de trouver le public cible. Celui-ci se trouve dans le parc.

 À mon avis, on ne devrait jamais organiser des consultations publiques sur les parcs entre quatre murs. Le meilleur endroit pour parler des parcs est dans les parcs.

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