Audit de sécurité dans votre parc

Ressource | septembre 12, 2019

Comme les parcs sont utilisés par des gens différents qui ne partagent pas la même définition du sentiment de sécurité, c’est un sujet très compliqué. Ce qui contribue au sentiment de sécurité chez une personne peut avoir l’effet contraire sur une autre.

Fondamentalement, la notion de sécurité est l’état d’esprit d’une personne qui vit dans un monde prévisible et ordonné sur lequel elle exerce un certain contrôle. Le besoin de sécurité de chaque individu vient après ses besoins physiologiques de base.

Comment créons-nous des environnements sûrs dans les parcs?

Comme les parcs sont utilisés par des gens différents qui ne partagent pas la même définition du sentiment de sécurité, c’est un sujet très compliqué. Ce qui contribue au sentiment de sécurité chez une personne peut avoir l’effet contraire sur une autre.

Nous nous sommes adressés à deux groupes communautaires voués à un parc qui ont été aux prises avec des problèmes de sécurité et qui travaillent fort pour rendre leur parc accueillant, inclusif et sûr. Voici ce que nous avons appris.

  1. À l’écoute de la collectivité d’abord

    Quand une agression sexuelle a eu lieu au Graham Park en septembre 2017, le voisinage du quartier St. Clair West de Toronto s’en est trouvé dévasté. Les gens ont déserté le parc et l’allée qui y conduisait.

    Les problèmes de sécurité dans le parc ont pris de l’ampleur au fil des ans et l’agression sexuelle a poussé les membres de la collectivité autour de Graham Park à agir. Se sentant impuissants pour régler ce problème complexe, ils ont communiqué avec Metrac, un organisme à but non lucratif de Toronto offrant des services de sécurité novateurs aux collectivités, notamment des audits de sécurité. Selon sa description, Metrac a pour objectif d’« améliorer l’environnement pour qu’il soit plus sécuritaire, plus inclusif et moins menaçant ».

    Quand Julian Back a communiqué avec Metrac, une formation d’une journée a été prévue, suivie d’un audit de sécurité auquel tous les membres de la collectivité et les utilisateurs du parc pouvaient participer. Des employés clés du gouvernement et du parc ont aussi été invités.

    Le processus d’audit de sécurité de Metrac s’articule essentiellement autour d’une tournée complète du parc pour que chacun puisse réfléchir à ses expériences et à son sentiment de sécurité à des endroits précis du parc.

    Metrac souligne que le « résultat de l’audit s’appuie sur les expériences vécues ».

    Pour cela, Metrac encourage fortement les groupes à faire un effort supplémentaire pour s’assurer que des gens d’âges et d’horizons différents participent à l’audit. Plus facile à dire qu’à faire. Les groupes sont encouragés à déborder des principes généraux de mobilisation pour garantir la verbalisation et la prise en compte de divers points de vue. Une méthode efficace consiste à travailler avec les leaders communautaires en qui les gens ont confiance. Il suffit de les former et de leur communiquer les messages clés pour répondre aux préoccupations pour aider à obtenir une représentation diversifiée.

    Même si votre ville ne compte pas un pendant de Metrac, il est essentiel d’organiser une discussion avec animateur sur les problèmes du parc. Un animateur expérimenté fera en sorte que les points de vue soient écoutés respectueusement et qu’un groupe ou une personne en particulier ne se sente pas visé par la discussion, même si des voix discordantes émergent.

    Par exemple, les jeunes qui se réunissent aux tables à pique-nique peuvent, avec raison, ne pas se sentir les bienvenus quand les adultes leur lancent des regards accusateurs ou passent des commentaires désobligeants. À l’inverse, les adultes peuvent ne pas sentir en sécurité quand de grands groupes de jeunes se rassemblent dans le parc. Il faut diriger la discussion avec beaucoup de tact pour que chacun reconnaisse et admette les perceptions différentes et contradictoires de la sécurité, mais c’est faisable.

    « L’audit de sécurité est une occasion pour la collectivité d’apprendre à mieux régler les conflits ensemble », dit Linda Frempong, coordonnatrice des audits de sécurité pour Metrac.

    Un autre groupe de Toronto voué à un parc, Friends of Masaryk Park and Melbourne Parkette, s’est formé pour aider à améliorer les conditions du parc qui a été négligé pendant des années et était dans un état lamentable de délabrement (bancs, équipement de terrain de jeu et lampadaires cassés, arbres morts, etc.).

    Masaryk Park est situé dans le quartier Parkdale à Toronto, où des gens aux prises avec des problèmes de dépendance côtoient la plus grande concentration de Tibétains hors d’Asie. C’est aussi un quartier qui s’embourgeoise rapidement.

    Le groupe Friends of Masaryk Park and Melbourne Parkette a pris de mesures concrètes pour recueillir les commentaires du plus grand nombre de personnes possible du quartier.

    • Très vite, Susan Armstrong, fondatrice du groupe, a appris deux leçons importantes :
      en abordant les problèmes du parc sous l’angle de la sécurité, le dossier progresse plus rapidement auprès de la municipalité;
    • les membres de la collectivité doivent participer au processus parce qu’ils sont les mieux placés pour parler de leur parc et qu’ils peuvent se sentir mis de côté par ceux qui tentent d’apporter leur aide.

    Susan Armstrong a fondé ce nouveau groupe en lançant une pétition pour demander à la ville de remplacer une structure de jeu brisée. La pétition comprenait des photos de la structure en piteux état et a donné au groupe une raison de joindre la collectivité et de lui faire savoir qu’il travaillait activement pour interpeller l’administration municipale. Il a aussi annoncé qu’une réunion aurait lieu dans le parc après le dépôt de la pétition pour discuter des étapes suivantes.

    « En fait, les résidents plus riches ont tendance à s’exprimer davantage et à laisser peu de place aux autres », explique Susan.

    Le groupe a réglé ce problème en décentralisant la discussion, c’est-à-dire qu’il a permis aux gens de partager leur point de vue sur les changements qui pourraient être apportés dans les endroits du parc qu’ils fréquentent. Un petit groupe de bénévoles a rencontré les résidents un par un pour les informer des changements éventuels et pour recueillir leurs commentaires. C’est aussi une excellente façon pour les groupes voués aux parcs de rencontrer les voisins et de joindre des résidents qui autrement, ne se seraient peut-être pas manifestés. Des avis sur les changements ont également été affichés à la bibliothèque, au centre communautaire, à diverses réunions communautaires et, bien sûr, dans le parc.

  2. De petits changements aux effets énormes

    Le rapport de 40 pages de Metrac sur Graham Park formule de nombreuses recommandations pour améliorer l’éclairage et la visibilité, les caractéristiques du parc, la qualité de l’entretien, l’accès au parc et son embellissement afin de créer un espace attrayant et invitant. Le rapport a été communiqué au conseiller municipal et à la police.

    Julian Back sait qu’il faudra du temps pour mettre en œuvre les changements et il est convaincu que les principaux changements structurels seront éventuellement apportés. Mais il s’est aussi rendu compte que les petites victoires contribuent à entretenir l’enthousiasme.

    L’aménagement d’une entrée plus attrayante dans le parc était l’une des principales recommandations du rapport. Avant, une affiche forçait les gens à entrer dans le parc par un passage étroit grossièrement pavé et pas très rassurant. Maintenant que l’affiche a été déplacée et que le chemin a été repavé, l’entrée du parc s’en est trouvée agrandie. Comme il s’agit de la voie d’accès au parc, le changement a fait forte impression dans la collectivité.

    Autre conclusion du rapport : la ruelle au fond du parc étant couverte de graffitis, la vue dans le parc était rebutante et sinistre.

    Grâce aux fonds recueillis dans le cadre d’une campagne de financement participatif organisée par la collectivité et au soutien de la municipalité, Julian Back et Kim Lesperence ont retenu les services de Wall Expressions and Street Art Toronto et 40 murs et garages ont été recouverts d’œuvres d’art colorées en une seule fin de semaine. Ce blitz de peinture a permis de créer une éclatante « galerie d’art extérieure ».

    Julian et Kim ont invité la collectivité à participer à une fête au parc Graham pendant que les artistes étaient à l’œuvre. La fête a été l’occasion de présenter les nouvelles murales qui ont ajouté l’éclat qui faisait cruellement défaut dans le parc.

    Susan de Friends of Masaryk Park insiste sur l’importance des petits changements.

    « Une fois que les résidents remarquent quelques améliorations, leur opinion sur le parc commence à changer. »

    Une fois la pétition déposée, la structure de jeu du parc a été remplacée dans un délai de six mois. Ensuite, la ville a enlevé une clôture et une zone dense de buissons et baissé une colline pour améliorer le panorama et rendre le parc plus invitant et accessible à partir de la rue.

    Au cours des deux prochaines années, les bancs cassés seront enlevés et remplacés, et enfin, un plus grand nombre de poubelles seront installées pour améliorer considérablement la propreté. De petits changements pour de grands résultats.

    Susan a appris qu’il est important d’avoir un plan pour apporter des changements dans le parc, mais aussi qu’il faut être prêt à faire preuve de souplesse.

    « Présentez toujours poliment vos demandes à la ville et insistez sur la sécurité », conseille-t-elle.

    Naturellement, il reste encore beaucoup d’autres points à la liste des requêtes des Friends of Masaryk Park, mais c’est un processus à longue échéance qui comporte des avantages : les gens ont le sentiment que l’histoire du parc est respectée et constatent les effets des petits changements sur l’utilisation du parc.

  3. De l'importance de l’animation dans le parc

    Le sentiment de sécurité augmente quand plus de gens sont invités à venir au parc. En général, un endroit animé est un endroit sécuritaire. Ce qui renvoie au principe des « yeux sur la rue » de Jane Jacobs.

    Friends of Masaryk Park collabore depuis longtemps avec les organismes locaux pour animer le parc. Greenest City, organisme à but non lucratif local, a aménagé le magnifique jardin communautaire HOPE dans le parc, et il s’est associé aux Friends of Masaryk Park pour organiser des fêtes, des projets artistiques et des repas-partage et fournir du soutien pour le marché Good Food estival et automnal.

    De plus, Friends of Masaryk Park and Melbourne Parkette a collaboré avec la bibliothèque locale pour offrir des séances de lecture aux enfants, a obtenu des tambours du centre de santé communautaire pour donner des leçons de batterie offertes par la collectivité et a aidé l’organisme Greenest City à organiser un marché Good Food dans le parc.

    Friends of Masaryk Park organise aussi ses propres activités, comme des repas familiaux à la pizza dans le parc, le défilé des citrouilles, la vente annuelle de livres à 50 cents pour enfants, des soirées cinéma et de combats d’eau.

    Susan conseille d’être patient, de bonifier et de répéter les activités, car il faut littéralement des années avant qu’elles ne deviennent populaires.

    Depuis les changements dans Graham Park, Julian a constaté que plus de jeunes vont au parc et plus de camps de jour d’été y organisent des activités. C’est le début d’un long parcours pour rétablir le sentiment de sécurité au sein de la collectivité, et les effets positifs se font déjà sentir.